Par Natasha Breed ( BBC Wildlife *)
À l'extrémité sud de la Normandie se trouve le Parc Naturel du Perche. Un patchwork pittoresque de la campagne française, ou serpentent des ruisseaux sinueux et des sentiers de randonnées...des forêts étendues et parsemées de fermes et de vergers. C'est un cadre bucolique très différent des savanes du Kenya auxquelles je suis habitué.
Pourtant, ici,au milieu du Perche,et a moins de 10 m de moi, un lion adulte. Il doit avoir environ quatre ans, avec une grosse crinière blonde et un museau encore rose pâle. ... couché comme un sphinx, la tête haute, me regardant.
Combien de fois ai-je vu un lion comme ça avant, à l'ombre d'un arbre qui regardait paresseusement les plaines? Ou qui attendait avec espoir qu’une lionne s'approche de lui, pour frotter son visage contre le sien.? (c’est de cette façon,que les lions se saluent mutuellement) Ou,encore fermant ses yeux dans l'indulgence paternelle,pendant que ses petits grimpaient sur son arrière-train et bondissaient sur sa queue...sa lèvre supérieure se tordant doucement.
J'ai passé des années à travailler auprès d'équipes de cinéma animalier suivant des lions en Afrique, et j'ai appris à lire l'humeur des grands félins en observant leurs yeux. En croisant le regard d'un lion, j'ai éprouvé,maintes fois,cette intuition qui me disait qu’au moindre mauvais mouvement , je finirai comme un toast.
Les pupilles se dilatent, et le regard devient centré à 100%...et soudain,l’étrange sentiment d’être comme un gnou face à face avec son ennemi.
Mais les yeux de ce lion ne clignaient que lorsque je l'approchais. Il n'y avait aucune sensation d'intérêt, aucune intention, aucune étincelle dans son regard. Habituellement, pour n'importe quel félin, une cible mobile est toujours amusante à chasser - qu'elle se termine avec succès ou non.
Il ne se méfie même pas de moi, comme tout lion sauvage en Afrique a appris a le faire, lorsqu’un humain s'approche . Cet animal est fatigué, désemparé, et...quelque chose que je n'ai jamais vu auparavant...il s'ennuie!
Je conduisais vers le marché local de la ville, quand j'ai remarqué le cirque. Dans une rue très fréquentée,d’un coté un McDonald, un lave-auto et un magasin de bricolage et de l’autre une vaste zone de supermarchés désaffectés. Mais aujourd'hui, un énorme chapiteau aux rayures couleur bonbon ,et un demi-cercle de remorques se trouvaient sur le parking du magasin abandonné.
Nombreuses remorques barraient l’accès,je voyais tout de mème au travers,la forme familière d'un lion dans l’une des cages. Puis les affiches en bordure de route ...sur les lampadaires, les abris d'autobus et les poubelles.
Sous le titre Visitez le Zoo, des tigres blancs et des lions passaient au travers d’anneaux de feu ou posaient majestueusement . Je me gare, traverse la route et accède au cirque.
Un homme désaccouplait une remorque d'un camion, je lui demandai si je pouvais me promener. Il fronça les sourcils à travers une boucle de fumée bleue provenant de la cigarette serrée entre ses lèvres,et hocha la tête.
Quatre chameaux hirsutes se tenaient dans une zone. Pas d'herbe, pas d'arbres. Juste des lignes blanches délimitant les places de parking et un seul lampadaire jetant une étroite ombre,au-dessous de laquelle, avec impatience, les chameaux se rassemblaient.
Au-delà, se trouvait une remorque avec des lions et des tigres. d’environ 2 m par 12 m, divisé en compartiments,qui contenait au moins six grands félins. Certains dormaient, d'autres regardaient le passage de la circulation et des piétons, avec des yeux ternes.
Combien de grands félins, d'éléphants et autres animaux regardent le monde à travers les barreaux des cages, sans jamais avoir connu l'infini de la nature sauvage? Au lieu de cela, le paysage flou des routes goudronnées, lorsqu’ils se déplacent de ville en ville.
Par Natasha Breed (*Assistante de terrain en Afrique auprès d’équipes de tournage de la faune et de la flore de l'Unité d'Histoire naturelle de la BBC pendant 20 ans )